Vendredi 27 avril 2001,
09h20.
Le Castellas - Terminus de la ligne 31.
Le bus arrive, fait le tour du rond point
qui se trouve en face de l'arrêt.
Deux jeunes gens s'y trouvent.
Le premier, assez petit, frêle, les cheveux bruns et courts, est
assis sur le trottoir, finissant de rouler sa grosse cigarette.
Le second, lui, est debout. Il est de taille moyenne, vêtu de
couleurs sombres et d'une casquette blanche d'où dépasse
une longue tresse brune.
Il est appuyé contre la cabine téléphonique qui
ne tient plus que par son ossature. Il regarde le bus se garer, met
la main dans sa poche et en sort quelques pièces qu'il compte.
Il monte dans le bus suivi de l'autre qui va s'installer à l'arrière
en cachant sa cigarette.
- Bonjour chauffeur! dit le premier.
- Bonjour.
- Un ticket s'il vous plaît.
- Voilà, tenez monsieur.
- Merci... Au fait, vous partez dans longtemps chef ?
- Humm ... Dans six minutes, répond le chauffeur en regardant
sa montre.
Le jeune composte son ticket puis s'en va asseoir sur l'une des places
du fond.
A l'autre extrémité de la rangée se trouve celui
qui fume. Il ouvre la petite fenêtre au dessus de lui et s'adresse
à son voisin :
- Excusez-moi, ça vous dérange la fumée?
- Non, non.
- Merci . Heu... Méchant la tresse, méchant hein.
- Merci.Shamane
Vendredi
27 avril 2001, 17 heures 45.
Marseille. Sur une surface uniformément
bleue un point brillant suivi d'un trait blanc avance de manière
rectiligne, à une vitesse régulière. L'extrémité
du trait se dissout dans le bleu à mesure que le point avance.
L'ensemble garde toujours à peu près la même longueur. Pierre Grimal
Jeudi 26 avril 2001 11h 35.
95, rue Loubon 13003.
A côté de l'arrêt de
bus, il y a deux containers. Un petit gamin s'agite en criant à
la jeune fille qui l'accompagne.
- Moi aussi, je veux y mettre.
- Après, lui répond-elle
Elle engouffre dans le container pour le verre des bouteilles et des
bocaux.
Elle attrape le gamin et le soulève. Il introduit la derrière
bouteille. Stephane Rigo
Mercredi
25 avril 2001, de 15h à 18h.
Quai du port et Cours Julien. Une jeune fille aux cheveux
courts, marche d'un pas décidé au côté d'un
grand dégingandé. Le jambe gauche de son pantalon est
retroussée, pas l'autre.
Cours Julien, un jeune homme aux cheveux tout jaunes parle à
son téléphone portable dans l'embrasure d'une porte :
- Ce n'est pas compliqué, Pascale boit de la kro, Yves prend
de l'ecstasy, Sandrine aime les bonbons.
Un peu plus loin un type en jogging bleu
avec une rayure blanche sur le côté discute avec un autre
type, la jambe droite de son pantalon est nettement retroussée
par rapport à l'autre. Caroline Sarrion
Mardi
24 avril 2001, 19h45.
Cap Croisette - Baies des Singes.
De grandes silhouettes en calcaire bleuissent lentement, émergent
à la surface de l'onde.
Une rangée de poteaux télégraphiques part en zigzaguant
et plonge pour s'engouffrer dans la baie, disparaît.
Quelque part, autour des roches bleues, des voitures sont arrêtées,
les yeux phares, face contre le vent.
La portière de l'un des véhicules s'ouvre, une jeune femme
emportée par une rafale sort et par un jeu de moulinets avec ses
bras , fait des signes au passager qui l'accompagne.
" Allez viens, regarde le disque est tout rouge, tout rond, tout
"
recoiffée.
Lui est resté calfeutré à l'intérieur, la
tête penchée sur une petite boîte auréolée
d'un couvercle.
Lentement, il plonge un doigt dans la boîte et le porte à
sa bouche.
Coiffé et vorace.
La jeune femme agitée sur la pointe des rochers, va retrouver sa
place a côté de son compagnon.
Décoiffée et frissonnante.
Ils se retrouvent tous les deux, les doigts plongés dans la petite
boîte.
Un Yogourt se fait dévorer à la lueur des poteaux télégraphiques
subitement constellés.
Le disque rouge s'étire vers l'horizon, simplement rayé
par quelques notes bleues et mauves. Sylvie
Barbière
24
avril 2001, 15h30.
Maison de retraite Fernande Berger - 13e. Ils sont assis autour de petites
tables, devant des cartons multicolores, avec des petits pions posés
à côté. Une vieille dame habillée en sur
leur explique :
- Il y a une quine et un carton plein
Puis, elle puise dans le petit sac en cretonne rouge et verte et énonce
les chiffres à haute voix :
- n°7, n°26, n°17, n°11 n°7, n°26, n°17,
n°11 n°11, n°17, n°26, n°7
- Quine ! s'écrit une petite vieille tout en rose.
La sur contrôle et lui remet un album sur les minéraux
sous les applaudissements des joyeux retraités. L'heureuse gagnante
fait une vieille moue.
- On continue pour le carton plein, crie la sur qui a du mal calmer
les plus agités.
- n°25, n°8, n°13, n°12
- Carton ! s'exclame d'une grosse voix un monsieur dont les moustaches
s'écartent devant des dents très blanches.
Le carton plein, c'est un sac à main en vernis noir,. Tout le
monde rigole sauf le monsieur. Une mémé en violine se
lève alors et suggère à sa copine en rose :
- Eh bien, Suzette, échange lui ton livre contre son sac !
- S'il est d'accord, minaude Suzette.
- Bien sûr voyons ! s'écrit le moustachu qui apporte le
sac à Suzette. Elle se lève, comblée, en lui tendant
l'album. Ils s'embrassent, elle rougit.
Les applaudissements des petits vieux sont interrompus par une sonnerie
stridente. 16 h 30. Les retraités s'ébrouent vers la salle
de restaurant. Ça sent le chocolat.
Armand Digénis.
Jeudi
19 avril 2001 - 18h30
Galerie Park'Art - Cours d'Estienne d'Orves. Au rez-de-chaussée,
une souriante blonde en bleu clair serre la main des arrivants :
- C'est gentil d'être venus !
On entend un air d'accordéon. En effet, au premier étage,
une accordéoniste toute vêtue de noir, pianote sur son
engin à bretelles nacrées un tango très sonore.
Des gens circulent autour d'elle et des sculptures en bois teint, un
gobelet de plastique à la main. Ils murmurent des bribes de phrases
devant des toiles accrochées sur les murs blancs.
Blanche est la nappe du buffet où se retrouvent la plupart des
invités. Des canapés sont sur la nappe : toasts au saumon
rose, pâté en croûte, mini-tomates, tartes aux pommes
La jeune fille derrière la table sert des kirs et des jus de
fruits en regardant sa montre. Certains regardent à travers la
baie vitrée ce qui se passe dehors, bien que la pluie brouille
leur vue.Armand Digénis.
Mardi
17 avril 2001, 11 heures.
Place Jean Jaurès.
Il entre dans la poste. Elle fait des
photocopies. Il passe à côté d'elle, il la remarque,
s'arrête. Elle tourne son regard vers lui.
- Salut, dit-il. Il s'approche pour l'embrasser, puis :
- Excusez-moi, je vous confonds avec quelqu'un d'autre, ça m'arrive
souvent.
- Mais c'est pas grave, dit-elle.
Il se rend au distributeur de billets, il ressort. Elle continue à
faire des photocopies. Pierre Grimal
11
avril 2001, 17h45.
A la Belle de Mai - Magasin Champion. - Madame ! vous avez votre
carte de fidélité ? demande la caissière.
- Non, je l'ai oubliée, répond la cliente.
A cela elle rajoute :
- Tant pis pour moi !
Elle récupère ses achats, les enfourne dans un sac en
plastique Champion et attend.
- Et Simone comment elle va ? s'exclame la caissière en direction
de sa collègue.
- Oh ! Tu sais ! ça fait longtemps.
La cliente réclame alors sa note.
- Oh pardon ! dit la caissière.
La machine après un long ronronnement extirpe une note sans fin.
Cette fois la cliente excédée lance :
- Chez Champion, il ne faut pas être pressé.
- Bonne soirée, madame !!! répond la caissière.
Stephan Rigo
Samedi
7 avril 2001, 19 h.
Web Bar. Des gens accoudés à
la balustrade qui surplombe le grande salle regardent des gens de tous
âges assis autour des tables rondes et carrés. Ils grignotent
des cacahuètes en prenant l'apéritif bruyamment. Une forte
musique techno que le D.J. très éclairé tourne
à la main derrière sa console, rend le lieu assourdissant.
Des images très colorées sont projetées sur les
murs blancs.
A 20h, deux par deux, des jeunes filles zigzaguent à travers
les tables et posent leurs silhouettes devant les images. Elles sont
vêtues de robes et chaussées de Nikes. Parfois, un garçon
habillé d'une jupe et de sandales les accompagne. On les applaudit
très fort.
Le petit garçon qui court après eux est très content,
jusqu'à ce qu'on le ramène à ses parents attablés.
Alors il pleure. Armand
Digésis.
Jeudi
5 avril 2001
Rue Bernard du Bois.
Au numéro 1, l'inscription "Hôtel", lettres
grises en relief. Un rideau métallique est baissé, tous
les volets sont fermés.
Sur la deuxième maison, l'inscription "Hôtel"
peinte en caractères d'imprimerie à même le mur.
La porte d'entrée est murée, tous les volets sont fermés.
Au numéro 5, l'inscription "Bar Restaurant des Amis"
peinte en caractères d'imprimerie. Un rideau métallique
est baissé, certaines fenêtres sont murées, d'autres
ont les volets fermés.
La porte d'entrée suivante est murée. Au premier étage,
fenêtres murées, volets fermés aux étages
supérieurs.
Sur la façade suivante, un auvent (genre de caisson métallique
au dessus de la porte), sur la face de l'auvent, l'inscription "Douches",
lettres peintes rendues à moitié illisibles par une
couche de poussière noire. La porte d'entrée est murée,
tous les volets sont fermés.
Au numéro 9, la porte d'entrée est murée, les
fenêtres également.
Sur la façade suivante, un auvent, sur l'auvent l'inscription
"Hommes Coiffeur Enfants", lettres peintes ajourées.
Un rideau métallique est baissé, au premier étage
les fenêtres sont murées, volets fermés aux étages
supérieurs.
Sur le mur du numéro 13, une affichette de l'EDF annonce "Interruption
du courant". Rideau métallique baissé, volets fermés.
La porte du numéro 15 est ouverte. Deux maghrébins d'une
soixantaine d'années, viennent de sortir d'un couloir sombre.
Au dessus de l'entrée, la mention "Hôtel de l'Avenir",
imprimée sur un panneau de plastique, "Hôtel"
écrit en bleu, "de l'Avenir" en rouge. Les volets
sont ouverts, fermés ou entrebâillés. Un homme
jeune, survêtement, pieds nus dans des pantoufles, se poste
dans l'ouverture de la porte, il regarde sa montre.
Ensuite, un mur, sur cinq ou six mètres. Sur le mur, anciennes
ouvertures murées avec des pierres. Au sommet du mur, des mauvaises
herbes, quelques fleurs jaunes. Un portail. Les battants du portail
sont très larges, à peu près quatre mètres
chacun, couverts d'affiches. Derrière les murs et le portail,
une grande étendue vide, un terrain vague. Encore un mur sur
cinq ou six mètres. Anciennes ouvertures également murées
avec des pierres. Un panneau : "ZAC Saint-Charles-Porte-d'Aix
- Permis de démolir délivré le 23 juillet 1999
- Destination du terrain : Création d'espaces publics et construction
de bâtiments divers".
Numéro 21, rideau métallique baissé, volets fermés.
Numéro 23, la porte d'entrée est condamnée par
un panneau métallique marron. Affichette de l'EDF "Interruption
du courant". Au premier étage fenêtres murées,
volets fermés aux étages supérieurs.
Au numéro 25, l'inscription "Bar des navigateurs"
peinte en oblique sur le mur, doublée d'une inscription en
arabe, rideau tiré, volets fermés.
L'entrée du numéro 27 est condamnée par un panneau
métallique, les fenêtres sont murées.
Numéro 29, le rez-de-chaussée de la façade est
recouvert d'un carrelage vert clair, au dessus d'un rideau métallique
baissé des lignes de poussière durcie conservent le
contour des lettres du mot "Alimentation", tous les volets
sont fermés.
Numéro 31, rideau métallique baissé, fenêtres
murées.
Au croisement avec la rue Longue-des-Capucins, le passage vers le
boulevard Charles Nédelec est condamné par une grille
sur laquelle est fixé un panneau : "ZAC Saint-Charles-Porte-d'Aix
- Permis de démolir délivré le 4 mai 1999 - Destination
du terrain : Création d'espaces publics et construction de
bâtiments divers". Entre les maisons abandonnées
de la rue Bernard du Bois et le boulevard Charles Nédelec,
une étendue vide, un terrain vague.
Les ouvertures de la maison suivante sont murées, un grillage
est fixé sur toute la façade.
Ensuite, sur un auvent en bois l'inscription gravée dans le
bois "Menuiserie Ebénisterie A. Fiore", porte condamnée
par un panneau métallique, volets fermés.
Maison suivante, inscription à la peinture presque effacée,
"Hôtel du Rhône", porte murée, au premier
étage fenêtres murées, volets fermés aux
étages supérieurs.
Numéro 39, lettres rouges maladroites, peintes verticalement
de chaque côté de la porte condamnée par un panneau
métallique, "Hôtel", "de Nice".
Numéro 41, imprimé sur une enseigne en plastique "Bar
Romantica", volets fermés, deux fenêtres ouvertes,
une antenne parabolique, un vêtement sèche sur une corde
à linge.
Ensuite, une petite cour cimentée. De l'herbe pousse aux endroits
où le ciment est fendu. Volets non fermés, des rideaux
aux fenêtres.
Au 45, l'inscription "Boucherie" en lettres régulières
peintes à même le mur, rideau métallique baissé,
volets fermés.
Le numéro 47 est un petit restaurant encore en activité.
Sur la façade : écritures au marqueur en arabe, en français
"20 francs boissons fraîches, café, thé",
dans la salle quelques clients.
Maison suivante, un homme ouvre avec une clé une porte vitrée.
Le rez-de-chaussée est fraîchement peint en blanc et
vert. Au dessus de la porte, une inscription en grandes lettres arabes.
Numéro 53, le long de la porte murée, l'inscription
"Hôtel", verticale et irrégulière. Fenêtres
murées ou volets fermés.
Sur le rideau métallique voisin, inscription à la bombe
à peinture "Défense de déposer les ordures".
Fenêtres murées.
Au 57 et au 59, portes murées, volets fermés.
Au numéro 61, " Etablissement Mazouz Isaac - Canal Satellite
- Canal +". Sur le rideau baissé dessin d'un satellite
avec ses panneaux solaires déployés, autour de la porte,
des petits dessins, téléviseurs, satellites, un oeil,
des inscriptions, "Bouygues Télecom", "Installations",
"Réparations", "Point de vente conseil",
"Antennes satellites". Tous les volets sont fermés.
La dernière maison de la rue Bernard du Bois fait l'angle avec
la place Bernard du Bois. Ouvertures du rez-de-chaussée murées,
volets fermés. En lettres en relief les inscriptions "Coiffeur
mixte, le meilleur coiffeur, hommes, femmes, enfants". Pierre
Grimal
Mercredi
4 avril 2001, l'après midi.
Poste du Chapitre.
La foule dense est partagée en deux files d'attente. Certains
changent de rangée constamment, d'autres se mettent à
deux pour attendre dans une file différente et s'appellent dès
que c'est au tour de l'un d'entre eux.
Une femme essaie de court-circuiter la queue en se plaçant devant
tout le monde. Des cris hostiles fusent. Elle attend cependant que cela
devienne très houleux pour se placer correctement.
Deux femmes Africaines demandent à une jeune fille en train de
se faire servir, de leur prendre des timbres. Un homme d'une quarantaine
d'années, le crâne rasé, la tête parcourue
de cicatrices épaisses lance :
-Les négresses là-bas, je m'en occupe! C'est pas l'Afrique
ici!
Un vieil homme à longue barbe blanche, tenant sa femme très
âgée, serrée contre lui, approuve.
La jeune fille au guichet, rougit, se tait et a des larmes dans les
yeux.
Un cri, soudain :
-Au secours! Fermez les portes! On m'a volé mon sac!
La dame qui parle d'une voix chevrotante, s'adresse aux employés
derrière les vitres, mais la réponse tombe:
Que voulez-vous que nous fassions? Ce n'est pas notre affaire! Christiane
Milon
Mardi
3 avril 2001,10 h.
Rue du chevalier Paul, Marseille 2ème. Ils sont 14, en slip, dans
le hangar, à troquer leur vêtements contre des uniformes
de flic bleus. Une femme s'affaire de l'un à l'autre pour retrousser
les manches de chemise, ajuster les galons et les ceinturons et essayer
les casquettes. Les chaussettes blanches sont échangées
pour des chaussettes noires.
Des placards gris, des bancs de bois, des avis de recherche épinglés
sur les murs sales et des mégots sur les carreaux jaunes.
Les 14 ainsi vêtus discutent en fumant.
- C'est lourd à porter ces fringues ! Putaing !
- Ouais ! ça me tue !
- C'est long le cinéma !
A 13h, on leur dit " Monsieur Delon n'est pas là aujourd'hui,
revenez demain à 10h ".
Ils se déshabillent remettent leur vêtement d'origine en
râlant et se séparent, deux par deux, en se disant :
"à demain !".Armand
Digénis.